Je veux être un homme heureux, chantait William Sheller.
Moi, je veux être un homme tout court.
Je ne suis pas sûre qu’il me reste assez
d’années à vivre pour épuiser l’énumération des possibles qui s’offriraient à moi
si je changeais de genre. Malgré l’ampleur de la tâche, auprès de laquelle le tonneau
des Danaïdes passerait pour un chiche dé à coudre de bar parisien, je crois de
mon devoir de tenter l’impossible en dressant une liste aussi partielle que douloureuse :
- Si j’étais un homme, je pourrais mépriser les
bébés, les toiser d’un air vaguement dégoûté en m’interrogeant tout haut sur
les improbables raisons qui ont pu pousser un couple d’amis drôles et cultivés
à renoncer à tout ce qui rend l’existence digne d’être vécue pour engendrer une
larve disgracieuse et malodorante. Au lieu de quoi, mon hostilité pour les
bébés me fait passer pour une créature suspecte et pour tout dire franchement
dénaturée car dans notre société sexiste ( ce qui est déjà une preuve de son
inanité crasse), les femmes doivent aimer les enfants. On se demande bien
pourquoi.
- Si j’étais un homme, je pourrais dire que j’aime
baiser. Pas le niveau 400 du kama-sutra ou les cinq positions hardcore de la décomplexion
ultime que sinon t’es qu’un has-been du pelvis, juste baiser. La même affirmation venant d’une femme relève
du suicide social.
- Si j’étais un homme, je pourrais manger du
boudin et des tripes sans que mes soi-disant semblables froncent leur nez
poudré en poussant des couinements horrifiés. Parce qu’une femme, une vraie, ne
mange pas, elle grignote. Et uniquement des cupcakes ou des macarons. Qui ne
rêverait de passer sa vie dans la peau d’une souris anorexique en partance pour le
diabète ?
- Si j’étais un homme, en été, je ne porterais
rien d’autre qu’un bermuda et des poils au lieu d’une jupe sur des jambes
épilées. Parce qu’une femme se doit d’être douce. Tout le temps. Partout. Et à
tous points de vue. Alors que se coltiner un statut de femme mène assez
logiquement à la fureur homicide.
- Si j’étais un homme et que je sois trompé,
personne ne se demanderait si je faisais bien au lit tout ce que ma conjointe
voulait ou si je ne m’étais pas un peu négligé ces derniers temps.
- Si j’étais un homme, j’aurais le droit d’être
moche et de vieillir sans qu’il devienne inconcevable de m’aimer.
- Si j’étais un homme, j’aurais un salaire
correspondant à mon poste et je ne saurais même pas ce que condescendance veut
dire.
- Si j’étais un homme, j’accèderais pleinement au
statut d’être humain. Ça doit être bien.
Tu as oublié « si j'étais un homme, je pourrais FAIRE PIPI DEBOUT ».
RépondreSupprimerQuelle amertume !
RépondreSupprimerJe ne peux que compatir, mais, au moins pour ce qui est des plaisirs de la table, venez faire un tour à Rouen, nous avons un (excellent) restaurant où vous ne serez pas seule à manger des tripes (ou de la tête de veau)
Vous oubliez que le monde perçu par la femme est fait d'alizarine, de fleur de soufre, d'incarnadin et autres cuisse de nymphe parmi des dizaines d'autres nuances là où l'homme ne voit que rouge, bleu et jaune.
RépondreSupprimerJe vous laisserais bien mes poils, mes tripes et mon mépris pour les nourrissons contre votre spectre visible.
Dîtes-moi, votre blog est fait de rose, de rose foncé et de marron n'est-ce pas?