Alors que je baguenaudais d'un pas badin et primesautier dans les méandres d'une boîte à musique en ligne, j'eus l'idée d'écouter ces vieilles fripouilles de No use for a Name qui enchantèrent ma folle jeunesse et adoucissent le début de ma vieillesse. Une envie en appelant une autre, je voulus savoir, tout en écoutant "International you day", ce que faisait en ce moment leur chanteur, ce héros du punk à roulettes au sourire si doux que, pour sa voix qui me soulève au-dessus du sol, j'eusse écouté sans pâlir n'importe quelle sous-soupe FM du moment qu'elle fut estampillée "Tony Sly".
Finalement, je n'aurai pas à endurer un mauvais album du monsieur car j'appris alors, six mois après l'évènement, qu'il n'affronterait jamais les hydres malfaisantes de la panne d'inspiration punk. Il est mort cet été. À 41 ans.
La mort et moi sommes rarement d'accord. Elle s'en moque comme de l'an 40, elle sait qu'elle aura le dernier mot et qu'elle peut nous prendre tous ceux qui nous transcendent et nous ramènent à la volupté d'être, malgré l'inanité de ce monde.
Elle peut nous prendre un Tony Sly entre deux concerts, encore heureux de gratouiller une guitare sur une scène, fidèle à son label et au faîte de ce qui ressemblerait à la gloire punk, si cette notion avait la moindre signification. La dernière image fera très bien dans l'album de l'histoire du rock.
Mais j'aurais préféré l'entendre vieillir. Même trop, même mal.
mardi 26 février 2013
mardi 19 février 2013
H comme homme
Je veux être un homme heureux, chantait William Sheller.
Moi, je veux être un homme tout court.
Je ne suis pas sûre qu’il me reste assez
d’années à vivre pour épuiser l’énumération des possibles qui s’offriraient à moi
si je changeais de genre. Malgré l’ampleur de la tâche, auprès de laquelle le tonneau
des Danaïdes passerait pour un chiche dé à coudre de bar parisien, je crois de
mon devoir de tenter l’impossible en dressant une liste aussi partielle que douloureuse :
- Si j’étais un homme, je pourrais mépriser les
bébés, les toiser d’un air vaguement dégoûté en m’interrogeant tout haut sur
les improbables raisons qui ont pu pousser un couple d’amis drôles et cultivés
à renoncer à tout ce qui rend l’existence digne d’être vécue pour engendrer une
larve disgracieuse et malodorante. Au lieu de quoi, mon hostilité pour les
bébés me fait passer pour une créature suspecte et pour tout dire franchement
dénaturée car dans notre société sexiste ( ce qui est déjà une preuve de son
inanité crasse), les femmes doivent aimer les enfants. On se demande bien
pourquoi.
- Si j’étais un homme, je pourrais dire que j’aime
baiser. Pas le niveau 400 du kama-sutra ou les cinq positions hardcore de la décomplexion
ultime que sinon t’es qu’un has-been du pelvis, juste baiser. La même affirmation venant d’une femme relève
du suicide social.
- Si j’étais un homme, je pourrais manger du
boudin et des tripes sans que mes soi-disant semblables froncent leur nez
poudré en poussant des couinements horrifiés. Parce qu’une femme, une vraie, ne
mange pas, elle grignote. Et uniquement des cupcakes ou des macarons. Qui ne
rêverait de passer sa vie dans la peau d’une souris anorexique en partance pour le
diabète ?
- Si j’étais un homme, en été, je ne porterais
rien d’autre qu’un bermuda et des poils au lieu d’une jupe sur des jambes
épilées. Parce qu’une femme se doit d’être douce. Tout le temps. Partout. Et à
tous points de vue. Alors que se coltiner un statut de femme mène assez
logiquement à la fureur homicide.
- Si j’étais un homme et que je sois trompé,
personne ne se demanderait si je faisais bien au lit tout ce que ma conjointe
voulait ou si je ne m’étais pas un peu négligé ces derniers temps.
- Si j’étais un homme, j’aurais le droit d’être
moche et de vieillir sans qu’il devienne inconcevable de m’aimer.
- Si j’étais un homme, j’aurais un salaire
correspondant à mon poste et je ne saurais même pas ce que condescendance veut
dire.
- Si j’étais un homme, j’accèderais pleinement au
statut d’être humain. Ça doit être bien.
jeudi 14 février 2013
O comme ours (polaire)
À mesure que fond la banquise, le garde-manger que des dieux
un peu dérangés avaient réservé aux ours polaires se vide. Car enfin, quelle
intelligence rationnelle et un peu sensible aurait imaginé de sacrifier des
bébés otarie à des monstres puants et même pas capables d’entretenir
correctement leur fourrure ? L’ours blanc n’est pas blanc. Il est jaune
sale, tel un clochard polaire qui s’oublierait régulièrement dans son manteau après
avoir ingurgité ses deux litres de Valstar. Il y a fort à parier pour que l’ours
blanc pue gravement du bec mais peu de gentlemen pourront en témoigner tant le
caractère épouvantable de l’animal le rend peu agréable à fréquenter. L’ours
polaire est donc paré de tous les défauts les plus outrageants à notre
délicatesse d’âme mais il se trouve quelques originaux pour s’émouvoir de sa
probable disparition dans quelques décennies.
Car l’ours blanc bouffe comme quatre. Incapable d’apprécier les mets raffinés ou de
tenir correctement sa fourchette en argent, le rustre bâfre dans les colonies
de phoques où il n’est pourtant pas le bienvenu. On ne saurait être plus
inconvenant que ce gros plantigrade malpropre qui s’invite sans vergogne chez
ses voisins. Certains ours blancs qui ont l’extrême grossièreté de s’accoupler
avec des grizzlis - ces derniers ne valant guère mieux - donnent naissance à des
hybrides appelés grolars. Le terme se passe de commentaires.
Il resterait 20 à 25 000 de ces inconvenantes créatures,
incapables de trouver un travail et d’assurer leur subsistance ailleurs que
dans leur trou paumé et glacé où pas un Rotary club n’a pu subsister. Pour
combler l’appétit de ces feignasses velues, des chercheurs envisagent de les
nourrir, les faisant ainsi passer du statut de malotrus dépenaillés à celui d’assistés
de la société. Il faudrait approvisionner ces grossiers personnages en viande
de phoque pour conserver le bien mince agrément
de leur compagnie sur cette terre.
En vérité mes amis, je m’insurge et je dis non. Qui paiera,
hein, je vous le demande un peu ? Toujours les mêmes. Vous verrez qu’on
nous demandera de travailler un jour de plus par an, au nom de la solidarité plantigrade.
Et pendant ce temps, ces beatniks du froid fumeront du haschisch en faisant des
flippers. Pas question, ne nous laissons pas faire. Car après eux, ce sera les guépards, puis les
pandas et pourquoi pas les hippopotames nains ? Non, nous n’accueillerons
pas toute la misère de la biodiversité du monde. Qu’ils se mettent au boulot au
lieu de dormir jusqu’à pas d’heure.
D’autant qu’une fois que nous aurons mis en place des
filières d’abattage de phoque avec l’argent du contribuable, que se
passera-t-il ? On retrouvera les bas morceaux dans les lasagnes surgelées
que leurs réseaux nous revendront pour blanchir leur trafic de poudreuse. Qu’ils
disparaissent jusqu’au dernier, les ours polaires, et leur blanc approximatif
avec eux.
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